Un siècle d'Olympus

La firme tokyoïte, qui fête cette année 2019 ses 100 ans, est propulsée au sommet par son maître-concepteur de génie, Yoshihisa Maitani. Elle a su résister aux pires tourments en proposant des solutions souvent originales et toujours de grande qualité.

Appareil photo olympus 1

Au début de son histoire, Olympus ne s'appelait pas Olympus et ne fabriquait pas d'appareils photo. Le 12 octobre 1919, un jeune ingénieur, Osamu Yamashita, fonde la société Takachiho Seisakusho dans une maison japonaise typique du quartier d'Hatagaya à Tokyo. Yamashita n'imagine pas alors faire d'appareils photo.

L'ingénieur choisit de se lancer dans la production de microscopes. Le premier, l'Asahi Microscope (rien à voir avec la marque Asahi Pentax), sort en 1919, six ans avant le premier microscope Nikon. C'est un modèle sobre, mais de grande qualité : pas de tourelle d'objectifs, pas de mise au point micrométrique ni de condenseur, juste un diaphragme formé d'un disque percé de trous. Depuis longtemps, les microscopes de recherche Leitz et Zeiss avaient tout cela, et plus encore.

Des débuts modestes

L'Asahi Microscope, qui répond à un besoin vital, trouve son marché sans mal. Deux ans plus tard, Yamashita renomme sa firme Olympus, sans d'ailleurs expliquer si cette dénomination a un lien quelconque avec la célèbre montagne des dieux grecs.

Osamu yamashita a 30 ans

Osamu Yamashita a 30 ans quand il fonde l'entreprise
qu'il renommera deux ans plus tard Olympus

 

Peut-être piqué au vif par le succès des appareils photo allemands, et notamment ceux de Leica (1925), Yamashita engage un ingénieur de 26 ans passionné de photo, Eiichi Sakurai (1909-1998), comme Maître-Concepteur. Or, même à l'époque, fabriquer un appareil photo complet au Japon est une gageure. On commence donc par un obturateur, nommé Koho (une copie du Compur-Rapid allemand), et par un objectif, nommé Zuiho (nom qui sera ensuite transformé en Zuiko).

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Pour compléter le boîtier, Olympus importe des corps de Roll-Op, appareil pliant à soufflet de format 4,5x6 cm fabriqué par Plaubel. Mais les boîtiers qui ont traversé les océans sont vite remplacés par des copies conformes maison. C'est ainsi que naît en 1936 le premier vrai Olympus : le Semi-Olympus. Différence avec le Roll-Op : le beau télémètre a été remplacé par un viseur optique pliant, bien plus simple.

En 1937, Sakurai veut lancer un appareil encore plus performant que le Leica III : l'Olympus Standard. C'est un compact moyen format à viseur-télémètre, collimaté pour les trois focales disponibles. Il donne 10 vues 4x5 cm sur rollfilm 127. Ce modèle exceptionnel, à obturateur à rideaux, reçoit 4 objectifs : un 2 et un 3,5/65 mm, un grand-angle 3,5/50 mm et un télé 4,5/135 mm. Cependant, les films en rouleaux sont un casse-tête mécanique pour les appareils avancés, ce qui conduit à la production de seulement dix exemplaires.

En 1952, suivant la grande mode des reflex bi-objectifs (Rolleiflex et Rolleicord, Minolta Autocord, Semflex, Yashica Pigeonflex…), Olympus produit l'Olympus Flex I, très bien fabriqué et doté d'un luxueux Zuiko 2,8/75 mm, mais à avance du film par gros bouton. Avec des variantes, ce modèle sera produit jusqu'en 1956.

L'homme de tous les défis

L'embauche en 1956 du fils du patron d'usine de sauce soja, Yoshihisa Maitani (1933-2009), va néanmoins tout bousculer. Le jeune Yoshihisa est passionné de photo et, enfant, il empruntait le Leica IIIf paternel qu'il utilisait en expert.

Yoshihisa maitani 1933 2009

Yoshihisa Maitani, photographié ici lors d'une conférence en 2005, a donné à la marque toute sa singularité si attachante et son amour du beau travail. Photo © Olympus Museum.

La direction impose toutefois à l'ingénieur de 23 ans un cahier des charges draconien pour la création d'un compact destiné à inonder un marché photo en pleine explosion : pas plus de 6 000 yens ! Difficile de faire des miracles avec ça. Pourtant, Maitani, l'un des plus géniaux « mécaniciens-constructeurs » du 20e siècle va en faire un. Il a l'idée, pour réduire la taille du boîtier, de revenir au format cinéma 35 mm : le 18x24, en cadrage vertical. Il simplifie à l'extrême l'appareil et, ainsi, renonce au levier d'armement qui se substitue désormais au bouton moleté, mais impose pas mal de pignons. Il aplatit ce bouton et le glisse sous le capot de l'appareil. Mais ce tout petit Olympus Pen a une finition soignée et un design d'une beauté remarquable.

Olympus pen de 1959

Le petit Olympus Pen

L'appareil fait un carton et sera décliné en de nombreuses variantes. Cependant, Maitani veut aller plus loin : faire un reflex 35 mm, le plus petit du marché ! Un essai avait été fait quelques années auparavant par Metz : le Mecaflex, de format 24x24 mm, produit par Metz en 1953 puis par Seroa à Monaco (1958-65). Joli petit reflex, mais peu pratique

L'audacieux Maitani décide de repartir de zéro : il place l'axe du miroir verticalement, substitue au classique pentaprisme (d'ailleurs absent du Mecaflex) un jeu de deux prismes simples et un miroir fixe, et remplace l'obturateur à rideaux par un obturateur rotatif.

Le reflex Pen F, sorti en 1963, est une éblouissante réussite, tant technique qu'esthétique, et il est très fiable. Sans atteindre des ventes fracassantes, c'est un vrai succès commercial. En outre, il est servi par une magnifique panoplie d'objectifs Zuiko, qui permet à Olympus de montrer que la marque n'a rien à envier à Canon ou à Nikon.

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Maitani n'a qu'une idée en tête : comment faire un reflex plus petit, mais en 24x36 ? Il gagne quelques précieux millimètres, surtout en hauteur, sans faire de miracles (136x83x81 mm avec le Zuiko 1,8/50 mm), car il ne trouve pas le moyen d'échapper à une structure technique très traditionnelle, mais le résultat est svelte et élégant : en 1973, l'Olympus OM-1 est là. O comme Olympus, M comme Maitani.

Sans détrôner les lourds et massifs Nikon F et F2 des correspondants de guerre et baroudeurs de l'extrême, l'OM-1 séduit, d'autant qu'il est très vite servi par une gamme Zuiko tout aussi délicieuse que celle des Pen F et FT. Pendant des années, les OM-1 et OM-2 connaissent le succès, avec notamment la mesure flash TTL et connaissent peu de modifications.

Au tournant des années 1980, cependant, les reflex connaissent une certaine disgrâce au profit de compacts presse-bouton à objectif fixe. Maitani imagine donc en 1979 le XA, bijou de design et de miniaturisation (102x64,5x40 mm, 225 g), dont la face avant coulisse pour découvrir l'objectif. Ce XA reçoit un flash externe spécialement assorti. Il est automatique, avec choix du diaphragme par curseur, et son objectif 2,8/35 mm dispose d'un vrai télémètre couplé. Le succès de l'appareil est immédiat et la production dure, avec des variantes, jusqu'en 1985. La gamme µ (Mju), la dernière dessinée par Maitani, prend le relais à partir de 1991. Cette gamme sera par la suite adaptée en numérique.

L'entrée du numérique chez Olympus

Avec le V-100 Majin présenté en 1988 à la photokina, Olympus entre dans l'ère électronique / numérique. À Cologne, sur le stand Olympus, nous avons mis la main sur un tirage fait avec cet appareil. Avec le capteur 360 000 pixels et la technologie de l'époque, ce tirage ne peut pas rivaliser avec celui d'un 24x36 jetable à film unique. Olympus dit avoir fabriqué le V-100… mais à combien d'exemplaires ? Plus de 30 ans après, le mystère demeure…

Une succession lente et difficile et passage au capteur 4/3"

Alors que M. Maitani prend sa retraite méritée, Olympus entre véritablement dans l'ère numérique avec quelques boîtiers plus ou moins réussis, à l'image du Camedia C1400L ou du plus intéressant Camedia E-10 véritable reflex à zoom fixe.

Avec l'Olympus E-1 de 2003, on arrive à un reflex au plein sens du mot : l'objectif est (enfin) interchangeable. Le capteur 5 Mpx passe au format 4/3" (13x17,3 mm), qui devient celui de tous les reflex et hybrides Olympus ultérieurs. La sensibilité monte à 800 ISO (et même 3 200 en mode étendu), l'AF passe de la détection de contraste à la corrélation de phase plus véloce (mais abandonnée ensuite par la marque). La SmartMedia est abandonnée pour la CompactFlash. Seul souci : ce magnifique appareil est gros et lourd (735 g) pour son petit format de capteur.

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De 2003 à 2008, Olympus développe cette gamme de reflex en introduisant peu à peu des avancées comme la stabilisation 5 axes par le capteur (technologie imaginée par Minolta) et, en 2006, sur l'E-330, le LiveView sur écran inclinable (deux ans avant les Nikon D90 et D300 qui, eux, ont un écran fixe). En outre, ce E-330 est un vrai reflex, mais sans l'habituel prisme en toit : sa forme est vraiment originale et réussie.

La clé de la réussite : faire du Maitani sans Maitani

Or, en 2008, Panasonic, qui partage avec Olympus le format de capteur 4/3", vient de lancer le concept hybride : une sorte de reflex… qui n'en est pas un, car la visée est électronique, sur un mini-écran observé par oculaire, voire seulement sur l'écran arrière. Cela permet un gain d'épaisseur intéressant, surtout vu la petite taille du capteur 4/3. L'esprit de Maitani est encore là.

Olympus relance deux de ses fleurons argentiques au format numérique. Le premier modèle est le Pen E-P1 (2009), au design très épuré et réussi, et l'OM-D E-M5 (2012), qui ressemble furieusement à un reflex, mais est un hybride. Si les boîtiers Olympus sont résolument modernes et innovateurs sur de nombreux points, le design est dans l'esprit rétro.

Si le rythme des sorties ralentit (2 boîtiers en 2017, 1 boîtier en 2018, mais 4 boîtiers en 2019), Olympus n'oublie pas de s'adresser également aux amateurs exigeants et aux professionnels avec la gamme E-M1 et notamment le spectaculaire E-M1X toujours équipé d'un capteur 4/3. En 2018, et contrairement à Panasonic, fidèle allié du format Micro 4/3, Olympus n 'a pas annoncé de boîtier 24x36. Un choix stratégique face à la concurrence de plus en plus rude des smartphones qui pointent désormais à plus de 100 Mpx ? Seul l'avenir nous le dira...

https://www.lesnumeriques.com/appareil-photo-numerique/un-siecle-d-olympus-a137513.html

 

Date de dernière mise à jour : 07/12/2021